Je me refusais les souvenirs d'autrefois, je m'interdisais de repenser à ce visage, à ces couleurs, à ce nom. Je devais oublier ce nom, à tout jamais. C'était si difficil de rester en vie...

Fini. Tout était fini, c'était la fin. La fin de quoi? La fin de tout, la fin de la partie. Il y avait longtemps qu'elle était terminée, mais désormais il était temps d'oublier qu'il n'y avait pas eu de gagnant. Aucun gagnant. Deux perdants. Moi, et ce nom que je ne devais plus prononcer. Je me demandais parfois si j'avais une chance de remonter la pente. Un jour nous tombons, tout s'écroule, et c'est là qu'on voit l'empleur de tout ce qu'il y a à rebatir. Tout ça à cause d'une seule chose.

L'amour. Certains disent l'amour c'est une rivière qui noie le roseau tendre. Certains disent l'amour c'est un rasoir qui quitte votre âme pour saigner. Certains disent l'amour c'est une faim, un besoin douloureux infini. Moi je dis que c'est une chose stupide qui nous envoûte et nous fait tourner en bourrique, une catastrophe magnifique : Savoir que l'on fonce dans un mur et accélérer quand même. J'avais réussi à éviter la casse, j'avais freiné, mais au passage j'avais tout perdu....

Vide. Le monde était terriblement vide. L'univers entier blanc comme cette neige autour de moi. Trop vide, trop inutile, trop contreignant, trop dur à regarder. Ce silence, lui aussi, difficil à supporter, difficil à entendre. Un cri assourdissant. Un cri qui me disait que j'étais seule, que je resterais seule à jamais, que j'avais tout perdu et que tout était de ma faute. C'était dur, d'écouter le silence hurler, d'écouter son écho, notre cri à nous qui se perd au fond de la nuit, au fond des néants. Notre cri muet qui reflète notre souffrance, notre cri qui raconte à tous qu'on n'en peut plus de la vie, qu'on voudrait que les tourments cessent, qu'on aimerait trouver le bonheur et ne plus le lâcher. Jamais. Parfois j'aimerais tout laisser derrière moi. Abandonner la vie, dire adieux à tous ceux qui l'ont batti, les laisser seuls, galérer à leur tour, un peu plus encore, patauger dans la boue et s'enliser. Ne plus rien avoir à faire. Regarder le massacre. C'était facile. Trop facile. Mais il y avait quelque chose qui m'en empêchait.

Les Wind. J'étais chef, j'avais des responsabilités, et ils comptaient sur moi. Eridan comptait sur moi. Amarok, Dead Moon, Walli et Hutan, Démi, et les autres... Trop d'espoir pesait sur moi, on m'accordait trop de confiance pour que je puisse leur faire ça. Alors je prenais sur moi. Je laissais la vie aller, les jours se répéter inlassablement et sans aucun but, la glace fondre au soleil du printemps, le temps passer, le monde changer. Il n'y a que moi qui semblait figée hors de tout ça... J'étais restée dans le passé. Loin derrière, dans une prairie pleine de hautes herbes, près d'un ruisseau brûlant sur des terres ennemies. Ou ici même. Il ne fallait pas chercher bien loin pour remonter dans le passé. Pas assez loin. Ca aussi, c'était trop facil.

Je levai les yeux vers la voûte étoilée. Des milions de points brillants mouchetaient le ciel cette nuit. Qu'est-ce que ça devait être calme là-haut. Le malheur et la tristesse ne pouvaient pas exister dans un endroit si beau. J'aimais regarder le ciel, et parfois il m'arrivait de marcher en regardant les nuages faire la course. Ce soir il n'y avait aucun nuage et les étoiles étaient en paix. Aucune rivalité, juste le calme tranquil et appaisant de la nuit. J'aperçus le fin croissant de lune à droite, à côté d'un pic enneigé. Je me dis que tout le monde devrait faire ça: regarder le ciel, la lune, les profondeurs de la nuit. Beaucoup seraient moins hautains et vaniteux: nous ne sommes rien comparé à tout ce qui nous entoure... Pas même un grain de poussière dans l'océan.
Un grain de poussière au milieu d'un océan d'ivoire glacée, voilà ce qu'en somme, j'étais devenue. Il faisait froid. Mais qu'importait le froid et la brise glaciale qui courait le long de ma fourrure? La vie entière n'était que douleur et froidure. Devant moi un nuage de vapeur se formait à chaque souffle. C'était la seule chose qui pouvait montrer que je n'étais pas qu'une ombre au pelage roux devenu argenté par la lune d'albâtre. Peut-être aussi ma poitrine qui se se soulevait à chaque inspiration, mais c'était si furtif...
Mon regard vert s'était posé sur la surface gelée d'un lac. Mais si elle étincelait au clair de lune je ne la voyais pas vraiment...


Mal. Tout ça provoquait une vive douleur dans mon coeur, au plus profond de moi. Comprendriez-vous si je disais qu'une échape de brume semblait m'étouffer le coeur, qu'une pierre plus trachante que les crocs me transperçait ce même coeur et que l'air avait du mal à entrer dans mes poumons, comme bloqués par l'écharpe... J'avais soudain trop mal, et je restais yeux mis-clos pendant quelques bonnes secondes.
Quand je rouvris les yeux une silhouette attira mon attention au loin, dans la poudreuse. Mon souffle resta prisonier quand je reconnus la silhouette rousse qui s'avançait. Un nom vint à mon esprit. Un nom, lié à des milliers de souvenirs...

Flamme. C'était toi mon rayon de soleil, celui qui réchauffait mon coeur quand il faisait froid dans mon esprit. La Flamme qui détruisait le malheur, la tristesse et l'inconfort des nuits d'été, celle qui faisait brûler mon amour, allégeait mon coeur. Quand tu étais là tout semblait à la fois plus facil et plus lourd, plus risqué. Je ne me serais jamais lassée de te voir. Jamais.
Le tigre s'arrêta à moins d'un mètre de moi, me dévisageant autant que moi je le dévisageais. Mon coeur s'emballa. Il resta silencieux, tout comme moi. Nos yeux se croisèrent dans le plus profond des silences.
Au-delà du souvenir des dernières paroles qu'il m'avait adressé et m'avaient terriblement attristé, une phrase emplissait mon esprit. Une phrase que tout m'empêchait de prononcer. Mon rang, ma timidité, les faits passés, l'avenir.

Je t'aime... Je t'aimais, je t'aime, et je t'aimerai toute ma vie. T'aimer, t'aimer et t'aimer encore. Je ne sais plus faire que ça. Je t'aime, tu ne peux pas savoir à quel point. Je regrette tant de ne pas t'avoir dit à mon tour un "je t'aime" en échange du tiens, au lieu de mentir et de nous briser tous les deux. Je t'aime. Tu es partout. Dans mes rêves, dans mes souvenirs, dans mes espoirs, dans mes pensées. Je ne peux m'empêcher de penser à toi chaque seconde. Pourtant j'ai tenté de t'oublier. D'oublier ton nom, ton visage, de rayer ton image de mon coeur. En vain. Je n'aurai jamais la volonté nécéssaire. Tu m'entraves de ta présence irréelle, je ne suis même plus capable de penser librement, de penser sans apercevoir ton regard quelque part. Si seulement je pouvais te décrire ce que je ressens... mais rien n'est plus dur à répéter que ce que dit mon coeur.

Silence. tout n'est que silence au coeur de cette nuit glaciale et magnifique. Même le vent s'est tû, et il semble qu'il n'y ait plus que nous deux. Je le regardais avec des yeux où brillaient tout plein de sentiments. L'amour, la peur, la tristesse, le regret. C'est ce dernier qui l'emporta, alors que je brisais le silence de ma voix sanglotante, tout à fourrant ma tête dans la fourrure de son cou.

- Excuse-moi Flamme...

Je m'étais exclamée avec force et tout mon chagrin, tout mon regret s'entendaient clairement dans chacun de mes mots. Aussi visible que les larmes qui brillaient dans mes yeux et refusaient de couler.

- Je m'excuse. Je ne voulais pas te faire mal... je ne voulais pas que ça en arrive là... je croyais te protéger en disant ça... Excuse moi de t'avoir fait si mal, d'avoir menti, d'avoir tout détruit...

Ma voix s'était éteinte peu à peu dans un murmure de moins en moins audible. Il ne restait que les sanglots, et mes larmes qui avaient enfin décidé à tremper la fourrure de Flamme. Je m'en voulais tant. Mes sanglots étouffés rendaient le silence qui régnait de nouveau presque inexistant.