Qui es-tu? [Moonfang]

Qui es-tu?

*J'en ai marre!!! Ne fais pas ci, ne fais pas ça! Ecoute moi! Relève toi! Tu ne feras jamais un bon chef si tu te comportes comme ça! J'EN AI MARRE!!! Va chercher quelqu'un d'autre à mettre à bout, moi j'en peux plus! Et toi! Tu vas me dire à la fin pourquoi t'es partis?!*

Voilà ce qu'était le fond de ma pensée à ce moment-là. J'en avais marre. Ô ça oui, j'en avais marre. Marre de mon père, parce qu'il ne voulait jamais répondre à mes questions, parce que je devais toujours répondre aux siennes, parce que même si je faisais tout juste il trouvais quelque chose à redire, parce que je devais toujours être à se disposition quand IL voulait et que je n'avais même pas mon mot à dire, parce que je n'étais jamais libre de faire ce que je voulais, parce que je devais toujours tout faire en cachette, parce que c'était un gros fénéant et que je devais aussi chasser pour lui... Si c'était ça d'être grande, c'était nul.
Je léchais ma longue griffure qui barrait ma cuisse, encore brûlante. Elle ne saignait déjà plus, comme si mon corps s'était adapté à toutes ces blessures et se régénérait plus vite... Ca encore ça passait, j'en avais tellement l'habitude des coups à peine maîtrisés, des morsures etblessures, du sang qui s'échappait de toutes ces plaies ouvertes, de la brûlure qu'elles procuraient. Je m'en fichais de ça. ce qui m'énervait le plus, c'était que je n'avais aucune liberté, bien que j'ai bientôt deux ans, l'âge où on peut quitter ses parents, et le fait que Papa changeait toujours de sujet ou ne voulait pas me répondre quand je lui posais des questions sur son passé. Toujours les même réponses, vagues, lassantes...
Ma patte griffa l'écorce d'un chêne solitaire, et je bondis au-dessus des roseaux, atterissant les pattes dans une marre, l'eau m'arrivant à peine aux jarrets. Mon regard couleur d'encre s'arrêta sur le miroir brouillé sur la surface de l'eau. J'attendis qu'elle retrouve son calme et son immobilité totale, détaillant la silhouette qui s'y reflétait. J'avais tant changé en quelques mois. C'était à peine si je m'y reconaissais. Fini les traits de tigrons, plus qu'un tigre qui a pratiquement fini sa croissance. Des yeux si sombres qu'il était impossible de dicerner la pupille de l'iris, bien plus foncés que lorsque j'étais petite. Un pelage brun foncé, un visage fin et sombre stryé de nombreuses rayures fines, un collier de fourrure, de grandes oreilles, un corps fuselé, musclé, mais assez fin, des pattes robustes... Certes je n'étais pas battie comme mon père, un gros plein de muscles, mais j'avais selon moi le corps idéal pour le combat: assez fin pour être agile, souple, et vive; assez musclé pour porter des coups douloureux et mettre quelqu'un à terre. Peut-être un peu trop fine.
En regardant le reflet je me dis que je n'étais aucunement semblable à Papa. Pas d'yeux vaierons, pas de petites oreilles, pas un pelage long, pas d'épaules massives, pas de cou de taureau, pas de mâchoir énorme... Seule cette lueur au fond du regard, assez semblable, ce collier de fourrure assez étrange, quoi que le sien soit plus fait comme une crinière, et ces pattes puissantes. Je me demandais à qui est-ce que je pouvais ressembler. A ma mère? A cette idée mon visage se durcit, n'affichant aucune expression. Fini les contemplations inutiles.
Je levai les yeux quand je vis un tigre devant moi. Aucune peur, juste un peu de surprise, de curiosité aussi car le nouveau venu n'avait fait aucun bruit en arrivant et semblait flotter au-dessus du rivage. Aussi car il ne portait aucune odeur distincte, pas même la sienne, et qu'une étrange lumière semblait s'émaner de lui. Durant un instant je me demandais si je ne m'étais pas écroulée un peu plus loin et que tout cela n'était qu'un rêve...
Le visage froid, les yeux levés car le tigre était vraiment grand, je restai là. Je n'avais pas l'intention de partir, ni de parler la première.

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