Shell.


Et si on rejouait toutes les scènes, dis moi encore que tu m'aimes.

Le soleil pointait le bout de son nez, innondant de ses puissants rayons, les sombres marécages. Le contraste de la boue obscure avec la chaleur et la lumière de l'astre roi faisait peine à voir. Quelques oiseaux s'aventuraient, rayant de leur vol saccadé la voûte azur du ciel. Une fine brise soufflait, faisant danser les branches des quelques arbres qui entouraient les marécages. La boue collait partout. Tel un énorme appareil digestif, elle avalait tout, engluant tout ceux qui s'aventuraient à y mettre les pattes. Le vent faisait frémir l'herbe rase des rives embouées. Aucun son ne se faisait entendre, mise à part le bruit de pattes arrachés à la boue. Seule sa silhouette se détachait dans ce paysage si morne. Il marchait lentement, la tête baissée, déstabilisé par la fange qui l'aspirait. Pourtant, il n'avait pas le choix, il devait les traverser. Sa queue blanche laissait un sillon de glue noire derrière lui. Il était seul, unique et désarmé contre cette immensité brune qui menaçait de l'aspirer à tout moment.

Soudain, il perdit pied. Le sol se déroba sous lui. Son poid l'entraina vers le fond. Il sentit la boue pénétrer partout, dans ses yeux, dans ses narines, dans sa geule. Ceci lui arracha un gémissement, vite étouffé par la glue envahissant sa gorge. Un instant, il pensa alors à se laisser sombrer. Juste partir, laisser cette terre hostile qui ne lui avait fait que du mal. Partir sans que personne ne le sache. Ses yeux clos le piquèrent. Cez fut l'élément déclencheur, il se dit alors qu'il devait avoir une revanche. Une revanche sur sa vie passée. Il fallait qu'il se vange, il fallait qu'il fasse du mal au destin, et le mieux qu'il pouvait faire, c'était continuer à vivre. Il essaya de se propulser à l'aide de ses membres arrières mais ne trouva pas d'endroit assez sûr. Réduit aux sombres moyens, il battit des pattes, dans un dernier effort. Sentant la rive sous ses pattes, il bondit, d'un coup de reins puissants sur la terre ferme. Son pelage était plaqué sur son corps qui sembalit bien famélique. Seuls ses yeux bleus montrait qu'il était bien en vie. Et pourtant, il n'en avait pas envie. Il regarda un instant les marécages, quelques bulles de boue éclatèrent lorsqu'il quitta définitivement la mare de boue. Si il s'était laissé mourrir, ce serait on inquiété ? Peut importe la réponse. Il était Shell tout de même. Il leva les yeux vers l'étendue opaline du ciel et pria que celui qui avait eu l'idée de le faire naitre avait bien vu cet épisode. Malgrè la boue dans ses narines, il sentit une odeur ténue, un autre félin. Toi ?

Shell


Je suis capitaine de mon âme, maitre de mon destin.


Une présence. Un regard sur lui. Depuis quelques minutes, le tigre blanc, d'ailleurs plus très blanc, sentait qu'on l'observait. Sa peau le brûlait. Se savoir regardé ne lui plaisait pas du tout. Surtout que cette odeur lui était inconnue. Le tigre qui le scrutait n'était pas de son clan. Shell soupira, il n'aurait pas la force de se battre, alors faites qu'il soit aimable. Lorsque le félin engloutis par la boue releva les yeux, il fut surpris, certes, mais agréablement surpris. Devant lui, le pelage ébourrifé, se tenit une jolie tigresse. Non pas un dominant grincheux, simplement une féline graçieuse, sur son visage angélique, une terrible expression d'horreur. Shell se rendit compte qu'il devait avoir piètre allure, là, étalé à ses pattes, la fourrure recouverte de boue. Il tenta de se relever. S'asseyant sur l'arrière train, il continua d'observer la jeune tigresse. Elle était ennemie. Mais il ne pouvait détacher son regard d'elle, elle le regardait, inquiète. Elle ne lui voulait donc pas de mal. Génial. Le félin blanc se redressa lorsqu'il sentit la langue rapeuse de la femelle s'étaler sur sa joue. Elle l'aidait. Shell eu un mouvement de recul et banda ses muscles. Il se reprit aussitôt, se disant, que de toute façon, il n'avait rien à perdre d'accepter un peu d'aide. Cependant, il avait du mal à parler. La bue avait séché dans sa bouche, lui ajoutant un goût étouffant dans la gorge. Il passa sa langue sèche et gonflée sur ses babines et lança, d'une voix qu'il voulu rassurante, cette petite phrase, peu aimable certes, mais il ne savait pas l'être :

- J'ai connu mieux.

Shell sentit la féline se renfrogner, il était si désagréable. Il ajouta alors, dans un filet de voix, un remerciment, presque innodible. Juste pour faire le gentil minou à sa maman. Ce qu'il n'était pas. Bien sûr. Tout au contraire.