Le soleil commençait à se lever à l'horizon, faisant scintiller la neige qui s'était déposée sur le sol. Tout n'était que blancheur immaculée et éclatante. Une fine couche de givre recouvrait tout, rendant le sol glissant.

La tigresse avait pris pour parti de sortir se promener, plutôt que de rester terrée au chaud. C'était beau, et Reinn, ne se lassai jamais de ce qu'elle voyait, elle en était aussi émerveillée qu'un petit. L'air était vif, et froid et elle ne put s'empêcher de frissonner légèrement. Lorsqu'elle avança, la neige craqua et Reinn s'enfonça légèrement, mais pas suffisament pour être stopper. A vrai dire, la neige commençait déjà à fondre. Elle ne tenait pas. Mais la saison de la neige n'était pas encore commencer, elle était venue trop tôt et reviendrait plus tard. En silence, la tigresse continua d'avancer, perdue dans ses pensées. A quoi pensait-elle? A tout et à rien. Mais au fond d'elle, elle savait ce qu'elle cherchait, ce à quoi elle pensait sans cesse. Son enfance perdue, ou plutôt inconnue. Reinn se trouvait stupide. Totalement et parfaitement idiote. Comment quelqu'un pouvait-il oublier jusqu'au nom de ses parents? Jusqu'à sa terre natale? C'était pourtant ce qui peu à peu s'était produit, dans son cas. Pour se rassurer, la tigresse se disait qu'elle avait dû vivre quelque chose de suffisament affreux pour que sa mémoire l'efface. Ou bien était-elle déjà condamnée pour le restant de ses jours à chercher ce que son âme refusait de la laisser voir? Elle poussa un bref soupir, releva la tête. Si elle avait continué, si elle n'avait pas sombré, c'était parce qu'elle n'y pensait pas. Hors, elle y pensait. C'était mauvais.
Elle inspira profondément, et s'élança. Courir, il n'y avait rien de mieux pour oublier. Elle se laissa. Savourant pour une fois la froideur de l'air qui la faisait se sentir vivante. Elle accéléra. Elle était rapide, et endurante. Mais elle se considérait juste comme quelqu'un ayant de la volonté. Car peu importe au fond que l'on ne soit pas endurant, on s'entraîne pour le devenir, sans relâche, et on le devient, seulement si on a la volonté de le devenir. Epuisée, elle s'arrêta. Le souffle court, tremblante. Reinn avait chaud. Souplement, elle se laissa glisser dans la neige, s'allongea. Presque reposée. Ses pensées oubliées. Elle ferma ses yeux vert-dorés, longtemps, à l'écoute de la nature qui s'éveillait. Puis mu d'un instinct elle les rouvrit d'un coup. En face d'elle, quelqu'un, encore un silhouette, arrivait. Reinn se releva. Anxieuse. Il était différent. Elle le sentait. Ce tigre était différent. Et pour une fois, elle eut peur.

« Prouvez-le moi alors. » lança t-elle. Reinn planta ses yeux dans les siens. Généralement, elle ne parlait pas. Généralement car ceux qui lui parlait, et auxquels elle ne répondait pas, ignorait qui il était. Lui. Le savait. Il savait son nom. Et que savait-il d'autre? Son regard ne lui apprenait rien. Il était impossible pour elle, de decerner quoi que ce soit. Qui était-il? Au fond, Reinn s'en fichait. Il était étrange, différent, flippant, et d'un sens, totalement rassurant. Ne fais pas confiance aux étrangers. Instinctivement, elle sentit que c'était faux, pas à lui. Néanmoins... Il y avait ce doute qui persistait en elle. Toujours plus fort de minute en minute. Pourtant, elle ne recula pas. Elle avait beau avoir peur, le craindre, elle n'était pas du genre à baisser le regard, ni à s'effacer. Pas devant cet inconnu. La vérité, si il y en avait une, c'est qu'elle se sentait totalement démunie, impuissante, face à quelqu'un de cet envergure. Ce tigre inconnu. Elle le sentait. Elle le voyait. Jamais, elle ne s'était sentie aussi petite, aussi insignifiante. C'était pourtant ce qu'ils étaient tous. Insignifiant face aux forces de la nature. Une tempête pouvait tous les exterminer, la nature était la plus puissante. Eux, ils n'étaient que des pions. La décoration. Reinn avait compris cela lorsqu'elle était jeune, un jour où la lune brillait, haut et clair dans le ciel, les nuages filaient, devant elle, pourtant, son éclat restait immortel. Et dans l'immensité du ciel, tout était apparu clairement à la tigresse. Elle avait eu peur, et avait compris.
A cette pensée, elle se calma, ressentant en elle un vide profond, absolu, un gouffre sans fond qui s'ouvrait sous elle. Son souffle se calma. Calmement elle respira et dans un soupir ajouta « Le Bien n'existe pas. On peut être gentil, rêveur. Mais la vie est injuste. Elle le restera. La notion de Bien et de Mal est juste une invention. C'est la vie qui décide pour nous de nos moments de souffrances, et des rares fois où nous sommes heureux. Peut-être vos intentions sont-elles bonnes, je l'ignore, peut-être êtes-vous bon, mais vous ne pouvez être le Bien car cela n'existe pas, et n'existera jamais, sauf peut-être dans nos rêves, qui sont nos seuls moyens d'échapper à la dure réalité. » Elle n'avait pas cillé en disant cela, elle avait dit ce qu'elle avait à dire, ce qu'elle avait toujours penser de la vie. Point. Elle n'avait rien à ajouter. Attendre. Il ne lui restait qu'à attendre. Comme toujours.