[Snow m'a dit de préciser que je suis autorisé à jouer... Donc, voila, c'est fait x) ]

Le Soleil. Pesant et accablant. Ici, il semblait plus fort encore que partout ailleurs.
Le Soleil. C'est un petit tigre de la forêt qui m'a donné son nom. Je n'avais encore jamais vu cela. C'est comme les spots qui éclairent le chapiteau, le soir, ces lumières chaudes qui m'éblouissaient et m'empêchaient souvent de bien distinguer les visages des humains alentours. Mais c'est cent fois plus grand, cent fois plus chaud et plus éblouissant. Il éclaire tout autour de moi, il n'y a presque plus d'ombre. Mais, contrairement aux spots du chapiteau, c'est le jour qu'il s'allume, et la nuit qu'il s'éteint. Il semble contrôler le jour et la nuit. Je ne l'aime pas. Il me donne trop chaud. C'est pire encore que la chaleur moite qui envahissait notre couche l'été, alors que nous étions envahis par des mouches bourdonnantes que nous n'avions plus même la force de chasser d'un mouvement de queue. Je sens sa chaleur frapper ma peau au travers de mes poils, je le sens qui me fait fondre, et ma peau fondue dégouline le long de mes poils. Avant, je me réfugiais sous les arbres qui me masquaient sa lumière trop agressive. Mais dans la forêt, il y a trop d'animaux. Le petit tigre de la forêt était gentil, il semblait avoir pitié de moi. Mais les autres sont trop gros et trop effrayants. Surtout les grognant. Je ne connais pas ces êtres. Ils sont gros et épais, recouverts d'un pelage fin et rêche, leur museau difforme est cerné de deux dents étranges qu'il ne savent garder en bouche. Et il y a même des animaux plus grands que moi encore, comme ces troupeaux d'êtres aux longues jambes guidé par cette chose étrange mi-animal, mi-arbre qui me menaçait des longues branches pointues ornant son crane. Un monstre, sans aucun doute. Ces animaux là me semblent plus dangereux encore que les humains. Mais il y a aussi ces animaux plus petits qui flânent dans les herbes, et qui embaument la nourriture. J'ai voulu en attraper un, mais il s'est enfui. Je n'ai pas l'habitude que la nourriture s'enfuie devant moi. Que faire alors? J'ai gouté d'autres choses, mais rien ne me convenait. Je veux mes croquettes. Où puis-je trouver des croquettes dans cette forêt? Ça doit bien pousser quelque part...

Un bruissement d'eau me tire de mes pensées. Cela fait longtemps que je marche face au Soleil trop chaud. Ce que je ne comprend pas avec lui, c'est que où que j'aille, il est toujours là haut, au même endroit. Sauf quand il s'éteint, il me suit toujours. Même cette grosse lampe en a après moi. Ou alors, c'est l'humain qui la dirige qui m'éclaire ainsi pour me mettre en valeur, comme lorsque c'est à mon tour d'effectuer mon spectacle sous le chapiteau. Ainsi, tout le monde peut me voir. Cela veut donc dire que je ne suis toujours pas libre. J'ai encore un rôle à jouer, le spectacle n'est pas terminé. Mais la différence est que je ne sais plus ce que je dois faire. Plus de cerceaux de feu, plus de tabourets bariolés, plus d'humain faisant claquer son fouet sur mes oreilles alertes, plus de foule derrière pour peser sur moi son regard. Que dois-je faire alors?
Je me dresse sur mes pattes arrières, lançant ma tête haut vers le plafond, ouvrant grand la gueule en un long rugissement. J'essaye de tenir quelques secondes en équilibre avant de me laisser retomber avec grâce, observant les alentours, les sens en alertes, à la recherche d'une quelconque réaction de la part du public. Mais rien, pas un bruit humain. Juste le bourdonnement de l'eau qui emplit mes oreilles. Je connais déjà ce bruit. C'est comme l'eau que l'on verse dans la gamelle, mais en cent fois plus puissant. Ici, dans le monde du dehors, tout est démesuré. Je connaissais déjà les flaques d'eau. J'en ai découvert ici des si grandes que même l'éléphant pourrait s'y baigner. Ce bruit est celui d'une eau qui court, qui coule avec vitesse, se frayant un chemin sur le sol, parmi les herbes et la terre. Une eau qui m'effraye, j'ai l'impression parfois qu'elle veut m'emporter avec elle dans sa course folle, mais une eau qui abreuve. Je vainc alors ma peur et m'avance encore d'un pas sur ce territoire inconnu.

Seulement, j'ai senti une odeur, c'est pourquoi je n'avais osé m'aventurer plus loin. Il y a des étrangers, ici. Des Tigres. Les autres Tigres ne m'aiment pas. Certains ont parlé de mon odeur. Je ne pense pas puer à ce point, pourtant. Et si c'est le cas, c'est à cause des humains qui ne nettoient pas assez souvent notre litière. Mais cela fait longtemps que l'on ne m'a plus lavé. D'un sens, tant mieux, je n'aimais pas cela. Cela m'effrayait de voir mon pelage mousser ainsi de cette étrange substance blanche au goût atroce, et je ne supportais pas le contact de l'eau coulant abondamment sur mon corps. Mais si les autres Tigres n'aiment pas mon odeur, peut être devrais-je tout de même me laver? D'un sens.. Cela ne servirait à rien. Ils trouveraient autre chose à me reprocher. Je ne suis pas comme eux. Et ils sont tous ligués contre moi. Je dois les fuir, sinon ils me tuerons. Ils existent pour cela. C'est cela, leur sens. Moi, j'existe pour leur permettre d'exister et eux, jaloux, existent pour que je n'existe plus. Je devrais leur pardonner. Moi, je suis généreux. Moi, je comprends les choses.
Parfois, je me demande si ils peuvent vraiment me tuer. Si je meurs, comment l'histoire continuera-t-elle? Que feront-ils alors, les pauvres? Je pense qu'ils ne me tuerons pas.
Mais pour l'instant, c'est la soif qui m'assaille. La grande lumière là haut aussi est contre moi.
J'hésite longuement, mais mon instinct de survie prend finalement le dessus. Je brave la frontière, espérant que personne ne croisera mon chemin. Je ne veux voir personne, aujourd'hui. Je n'ai plus la force de m'enfuir. J'ai soif, j'ai chaud, et j'ai faim. Je n'ai plus trouvé la moindre nourriture ces derniers temps. Les lapins me narguent, mais je ne sais pas comment les amener à moi. Et je ne sais toujours pas où poussent les croquettes. Mais chaque chose en son temps. Boire, d'abord. Je me rapproche du torrent, accélérant le pas. L'eau vive frappe les rochers, sa surface brille sous l'ardeur du Soleil. Je m'arrête à ses cotés, d'abord effrayé par le cheminement de l'eau qui semble vivante, avant d'y tendre la patte avec timidité. Je tente de garder l'équilibre, trempant ma patte dans l'eau pour ensuite la lécher. Mais l'eau m'arrache un couinement tandis que je récupère ma patte avec précipitation. Je n'ai pas trop comprit ce qu'il s'est passé. Mais il semblerait que l'eau m'ai mordue. Alors c'est réellement vivant? Si même l'eau en a après moi, que vais-je devenir...
Je pousse quelques grognements, piétinant sur place face au ruisseau avant de tendre une seconde fois ma patte. Seconde morsure. Je ne sais plus que faire. Je n'ose y tremper ma langue, elle serait mordue aussi. Dépité, désespéré, je fini par me laisser choir dans l'herbe au bord de l'eau, étalé de tout mon long dans l'herbe sèche, offrant toute la surface de mon corps à la frappe du Soleil. J'en ai assez, cela ne m'amuse plus. Pourquoi m'impose-t-on cela?